Justine

Je suis une femme trans. Je parle de mon vécu.

Mathias, toi qui m’as rejetée


Contenu sensible : Transphobie

Parfois, ce moment revient me hanter.

J’aurais aimé sortir ce texte lors de la journée du coming-out, le 11 octobre.
Mais j’ai préféré prendre plus de temps pour l’écrire. Il est important pour moi, et douloureux.

Mon prof était un ami.

Au départ, je voulais juste apprendre à jouer de la guitare. Au fil du temps, une réelle amitié s’est développée entre lui et moi. Nous l’avions construite pendant plus d’une décennie.

Je n’avais même pas commencé ma transition physique, lorsque je lui ai fait mon coming-out trans.

J’avais confiance en lui, et j’ai été totalement prise au dépourvu. Personne ne pourrait s’attendre à une telle réaction de la part de quelqu’un d’apparence aussi gentille.

Tu pourras faire ce que tu veux, tu ne seras jamais une vraie femme.

Ces paroles m’ont fait l’effet d’un coup de poignard dans le dos.

Ce soir-là, nous n’avons pas sorti nos guitares. Et j’ai subi ces 45 longues minutes de cours.

On est tel qu’on est et il ne faut pas aller contre la biologie.
Ce sera quoi après ? Les gens se sentiront lézard ? On va aller jusqu’où ?

Intérieurement, je tremblais comme une feuille.
Je luttais de mon mieux pour ne rien montrer.

Je continue volontiers les cours avec toi si tu restes un homme.
Pour moi, tu seras toujours *BIP*.

À ce moment, je me suis sentie vide. Je n’avais pas les mots.

Si tu fais ça pour te sentir bien, je te soutiens. Mais tu dois comprendre qu’il y a des gens qui ne peuvent pas l’accepter.
J’aimerais que tu quittes mes cours.
Ah ! Une dernière chose… n’ébruite pas cette histoire, garde ça pour toi. Désinscris-toi ! Mais ne dis rien à ce sujet à l’école.

Et j’ai accepté… Mais t’es conne Justine ! Aujourd’hui, je lui aurais cassé la gueule.
Mais maintenant, je comprends mieux cet état de sidération qui peut nous paralyser.

Peut-être qu’un jour je te recontacterai. Et je te dirai, excuse-moi, je suis qu’un conard. Mais là, je n’arrive pas à t’imaginer en « femme ». Je dois faire ton deuil.

J’ai attendu une réponse, c’était une erreur. Aujourd’hui, je sais que tes mots n’étaient pas sincères et que tu n’avais aucune intention de te remettre en question. Dans les mois qui ont suivi, j’ai souffert d’une dépression.

J’ai fini par avoir le courage de me plaindre et de le dénoncer à l’école. Ils se sont excusés, ils m’ont dit qu’ils allaient prendre des mesures et puis… rien…

Il enseigne toujours. Mes doigts se crispent, et ma guitare, elle prend la poussière.

Voilà plus d’une année que ça s’est passé.

Ce coming-out m’a traumatisée.
J’ai encore du mal à m’en remettre.


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