Justine

Je suis une femme trans. Je parle de mon vécu.

Le porno


Contenu sensible : sexualité, porno, addiction

J’ai une relation compliquée avec le porno.

Au début, je pense l’avoir regardé comme n’importe quelle ado. Par curiosité, par recherche de plaisir et par envie de se satisfaire.

Mais rapidement, mon plaisir s’est transformé en addiction.
Pendant toutes ces années, je n’ai pas compris. Je me voyais comme une personne malsaine, une perverse.

Putain… addict au porno… j’en avais tellement honte !
Pour moi, c’était tabou. Je ne pouvais pas en parler, même à ma copine.

Cette relation compliquée a retardé ma transition de genre. J’ai toujours cru que si je transitionnais ce serait pour de mauvaises raisons. Je pensais sérieusement que mon désir d’être une femme n’était qu’un fantasme sexuel.

15 ans d’errance… à se cramer la rétine !
Jusqu’au jour où la pression était tellement difficile à supporter qu’elle est devenue une question de survie.

Quand j’ai débuté les hormones, mon corps a commencé à se transformer et, comme par magie, mon addiction s’est évaporée.

Maintenant, je la comprends mieux. Ma dépendance au porno me permettait de m’anesthésier et calmer mon anxiété, mon mal-être. Ce fut une libération très intense. À chaque fois que je repense à mon parcours et où j’en suis, une émotion de joie me submerge et me donne envie de pleurer.

Aujourd’hui, quand je me masturbe ou que j’ai un rapport sexuel avec ma partenaire, c’est réellement pour prendre du plaisir. C’est une redécouverte de ma sexualité.

D’ailleurs, on s’est mise à parler plus régulièrement de sexe, de cul, de porno. C’est hallucinant à quel point nous étions coincées toutes les deux sans même nous en rendre compte.

Mais voilà, mon vécu est en décalage avec le porno qu’on peut trouver sur internet. Je ne ressens plus aucun plaisir dans celui-ci. Les mecs bourrinent comme des Roomba qui se seraient coincés sous un meuble. L’objectification sexuelle des femmes et de leur corps me dégoute. Et je ne parle même pas de la fétichisation des femmes trans.

Moi ce que je veux : c’est un porno éthique sans exploitation. Un porno qui brise les normes de genre, hors des schémas de domination masculine. Un porno fait par des trans, pour des trans. Un porno sensible, simplement.

Je suis sure que je finirais par en trouver. Et sinon, je ne sais pas… un jour… je finirai peut-être par en produire moi-même.


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