Justine

Je suis une femme trans. Je parle de mon vécu.

Chelsea Manning – Première icône


Contenu sensible : Mégenrage

Quand j’étais petite, je voulais secrètement être une fille. Je me rappelle encore ce rêve que j’ai dû faire des dizaines de fois.

On m’enfermait dans une boite, nue, et par je ne sais quel tour de magie, je devenais une femme. Tout le monde agissait comme si ça avait toujours été le cas. Dans ces moments, j’étais bien.

Mais je finissais toujours par me réveiller, en sueur, à me rendre compte que ce n’était qu’un rêve.

J’aurais voulu en parler à quelqu’un, expliquer mon mal-être.

Comment faire… Transgenre ? Je n’en avais jamais entendu parler. J’avais l’impression d’être seule au monde à ressentir ça.

Alors j’ai tout enterré profondément en moi. J’ai fait comme si ça n’existait pas, jusqu’à finir par l’oublier. Ça a plutôt bien fonctionné durant le reste de mon enfance. Enfin… jusqu’à la puberté qui a fait rejaillir tout ce que je ne voulais plus voir.

Je me rappelle ce jour là, où j’ai eu connaissance du coming out de Chelsea Manning, au lendemain de sa condamnation. Je la suivais déjà depuis son arrestation. La culture hacker me passionnait et elle était déjà un modèle pour moi.

Ce jour-là, des amis sont venus me montrer cet article (j’ai volontairement masqué son deadname) :

23.08.2013: ******* Manning veut changer de sexe

******* Manning a fait savoir jeudi qu’il espérait être gracié et qu’il se considérait comme une femme. Il a été condamné à 35 ans de prison pour divulgation d’une masse d’informations confidentielles.

« À partir de maintenant, pour cette nouvelle phase de ma vie, je veux que tout le monde sache qui je suis vraiment. Je suis Chelsea Manning, je suis une femme », a fait savoir le jeune soldat de 25 ans dans un texte.

«Étant donné la manière dont je me sens depuis que je suis enfant, je veux commencer un traitement hormonal dès que possible. J’aimerais aussi qu’à partir d’aujourd’hui on m’appelle par mon nouveau prénom et que l’on utilise le pronom féminin pour parler de moi», a ajouté l’ancien analyste du renseignement.

L’article était accompagné d’une photo de Chelsea avec une perruque blonde. Mes amis se sont moqués d’elle. Un trav, qu’est-ce que c’est drôle ! Selon eux, elle faisait ça uniquement parce qu’elle n’avait pas les couilles d’affronter la prison.

Je sais aujourd’hui que c’est faux. Après avoir lu sa biographie « Readme.txt », je réalise à quel point ce coming out a rendu son parcours pénitentiaire encore plus difficile.

Ce jour-là, je n’ai pas pu rire avec mes amis.

Cette personne, que j’ai tant admirée pour son courage, ressentait la même chose que moi.


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