Justine

Je suis une femme trans. Je parle de mon vécu.

Câlins si consentis


Contenu sensible : Trauma

On m’a souvent dit : « Ah oui c’est vrai. Toi, t’es pas tactile » ou « Mais quand on te fait un câlin, tu es toute crispée ».

Bref, vous partez du principe que je n’aime pas les câlins. Arrêtez tout de suite de supposer à ma place ! Si vous voulez me faire un câlin, il n’y a pas de soucis. Il suffit de me demander.

Coucou moi c’est Justine, j’ai 31 ans. J’adore les câlins, mais je ne sais pas comment m’y prendre. Il faut que je vous explique ! Pour cela, revenons un peu en arrière.

Depuis l’âge de mes 10 ans, je n’ai plus eu de contact physique avec ma famille. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais encore aujourd’hui, nous ne nous faisons ni la bise ni un hug pour nous saluer. Zéro… contact… physique !

J’ai grandi sans amour. Non, ce n’est pas tout à fait vrai… mes parents m’aiment. Mais ils n’ont manifesté que peu d’affection pendant mon enfance.

Je suis aussi une personne sensible, très sensible. Chaque émotion est très forte, j’ai une hyperacousie et le moindre contact physique peut être très intense.

Aujourd’hui, j’embrasse cette sensibilité, mais à l’époque j’en avais honte et j’essaie de la camoufler comme je pouvais. Au prix de beaucoup d’énergie dépensée.

Mon père a voulu me faire rentrer dans un moule qui ne me convenait pas. À me forcer dans le sport à outrance, à vouloir m’endurcir. Ça n’a pas marché et bien failli me briser. Finalement, mon genou s’est brisé avant et m’a libérée de son joug.

Ma sensibilité n’était pas assez masculine, c’était mauvais. Il ne fallait rien montrer, je devais être fort ! Désolé papa ! Je n’ai pas hérité de ta force ni de ta carrure, j’ai hérité de la finesse et de la sensibilité de maman.

Même avec mon ex-copine, cela n’a pas été facile. J’étais en couple depuis mes 18 ans et il m’a fallu du temps avant de supporter de me faire simplement caresser. Ou simplement à sortir un « Je t’aime ». Hypersensible sans jamais n’avoir eu de contact, ce n’était pas facile. 10 années où j’ai appris à m’ouvrir avec elle. Mais quand je sortais, je renfilais encore mon armure.

Jusqu’à cet évènement à jamais gravé dans ma mémoire. Cela pourra vous sembler anodin, mais l’été passé, une amie très chère m’a proposé un câlin. N’ayant jamais eu de câlin en 20 ans hors de ma relation de couple, ce moment m’a marqué. (Peut-être que le fait que j’avais déjà des sentiments pour cette personne y a aussi joué un rôle. Mais là n’est pas le propos !)

Je me rappelle encore que le câlin fut bref et interrompu par un écureuil qui passait par là. Une manifestation bienvenue, car à ce moment, c’en était trop pour moi. Ma carapace venait de voler en éclat.

Et j’ai fait ce que je savais faire de mieux ! Ne rien laisser transparaitre. Pourtant, intérieurement j’étais tremblante. Ah Justine Justine JUSTINE ! Quand je te regarde avec du recul, tu me fais bien rire, avec ton petit côté coincé.

Bref, depuis ce jour, j’en ai fait et j’en ai proposé des câlins ! Et même si je reste maladroite, cela devient plus naturel. Et surtout, le plus important : j’adore ça !


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