Contenu sensible : Blessure, Douleur, Sport
Courir était tout pour moi.
C’était une libération, un moment de solitude dont j’avais tant besoin. Un moment où je pouvais échapper au monde.
C’était une drogue, pour anesthésier mon esprit. Ne penser à rien, enfouir tout ce que je ne voulais plus voir.
C’était une mutilation, délibérée. Mon corps me dégoutait, je courais d’un pas autodestructeur sans savoir où aller.
C’était une violence que l’on m’infligeait. J’étais douée, mais jamais assez.
1 h 15 ! Voilà l’objectif que je m’étais fixé pour ce semi-marathon. 4 mois d’entrainement rigoureux. Malgré tout, j’étais impatiente de participer. Je ne me rendais pas compte que ma prison était faite d’un short et de baskets.
Mais peu avant la course, je me suis blessée à un genou. Le médecin était catégorique, interdiction de participer. Ma déception était grande.
Je restais tout de même sous son emprise. Il ne m’a pas cru, traité comme une bonne à rien.
« Tu n’es pas fait en sucre ! »
«Tiens-toi comme il faut! On dirait que tu cours comme une danseuse.»
«ça se voit que tu n’as fait aucun effort»
Papa m’a ordonné d’aller courir, alors j’y suis allé !
Faire le vide avant une course, j’en avais besoin. Ce jour-là, j’étais un peu stressée, je n’arrivais pas à faire ma bulle. Le départ n’était même pas donné que je ressentais déjà cette gêne à mon genou.
Les premiers kilomètres se sont déroulés sans trop de difficulté.
Au 5ème kilomètre, j’ai commencé à ressentir une brulure. À partir de cet instant, la suite fut une lente agonie. Imaginez un couteau… qu’on vous plante lentement sous la rotule. La douleur irradiait tout mon corps, toujours plus intense, toujours plus profonde.
Mais je serrais les dents, je ne devais rien montrer, tout allait bien. Ce n’est que dans ma tête. Je suis forte. Je veux… je veux, juste une fois, que tu sois fier et que tu me dises : « Bravo ».
15 000 pas, à ce moment-là, la douleur est telle que je ne la sentais plus. Celle-ci me berçait, elle était presque devenue agréable. Mon genou droit n’existait plus. Insensible à tout, je courais.
Fin de la course! Je vomis en cachette.
Résultat décevant… mais pour qui ?! Qui peux se vanter de courir 21 km en 1 h 30.
J’ai mal. Genou foutu, mutilé à vie. Je ne pourrais plus jamais courir. Mon esprit, sevré de l’ivresse du sport, recommence à réfléchir.